À PROPOS...
Genèse d’un malentendu.
Retour sur la généalogie de mes écrits et quelques enjeux de mémoire.
Né en 1966, différentes rencontres à partir de 1978 à Strasbourg, Rennes puis Saint-Maurice (Val-de-Marne) m’ont conduit un jour à vouloir percer le mystère de l’origine des Scouts d’Europe. N’obtenant en 1987-1989 de la part de ce mouvement où j’étais chef de troupe aucun Récit des origines concordant et intellectuellement satisfaisant, je commençais ma propre quête en free lance et sans « mandat ». Les Scouts d'Europe mettaient alors en place, sous la houlette de Maurice Ollier – témoin de la première heure revenu servir le mouvement après le départ traumatique du « fondateur » Perig Géraud-Keraod (PGK) suite à l'AG houleuse d'Arc-et-Senans en 1986 – un nouveau récit des origines bétonné qui mettait à l’honneur une racine d'Outre-Rhin et un autre « fondateur », inconnu, Jean-Claude Alain (JCA). À partir de mars et octobre 1989, je me retrouvais à quelques mois d’intervalle à rencontrer plusieurs fois non pas un, mais deux « fondateurs » des Scouts d’Europe, renvoyant à deux racines étanches l’une à l’autre et apparemment incompatibles. Deux hommes, PGK, JCA, et deux récits, deux mondes, deux mémoires concurrentes… Étudiant en histoire, j’entreprenais ainsi en lien avec les deux « fondateurs », l’un à Rennes, l’autre à Paris, un travail parallèle de recherches sur les origines. Mais je butais au fil des mois sur un problème récurrent, le nerf de la guerre : l’accès aux sources. Abondantes mais suspectes et unilatérales d’un côté, inaccessibles sans filtrage préalable de l’autre… L’enfer de l’historien.
La date limite pour le choix de mon sujet de mémoire de maîtrise approchant dangereusement, il me fallait des gages de liberté d’action. C’était une histoire des scouts Bleimor qui finalement m’attirait, sujet breton apte à s’inscrire dans la riche histoire générale du mouvement breton, l’Emsav. La rupture finale en juin 1993 avec le témoin-clef Perig Géraud-Keraod, m’empêchait de tenter l’écriture de l’aventure de Bleimor puis des Scouts d’Europe : je refusais d’écrire sous la dictée à partir de documents triés et sortis au compte-goutte sans accès garanti aux sources primaires. Proposition inacceptable.
Je choisissais donc dans l’urgence un sujet scout de repli, avant la thèse envisagée sur les Scouts d’Europe : disséquer les mobiles de la réforme pédagogique Pionnier-Rangers des Scouts de France et les mobiles de ceux qui avaient refusé à partir de 1964-65 de jouer le jeu de cette réforme, les réfractaires, les vilains petits canards de l’histoire depuis le livre, de mon point de vue orienté, de Philippe Laneyrie (Les Scouts de France, Cerf, 1985). Proposé en juillet 1993 au titulaire de la Chaire d’histoire contemporaine de la Sorbonne-Paris I, le professeur Antoine Prost, le sujet éveillait plus que de la curiosité. Il rappelait à mon futur directeur de recherches les combats chrétiens-progressistes de jeunesse qu’il avait menés en 1965 à la tête de la Fédération Française des Étudiants Catholiques F.F.E.C. contre des évêques jugés conservateurs voire rétrogrades, dont un certain Mgr Marc Lallier. « En somme, vous vous proposez d’étudier les scouts de droite ? » résumait-il ainsi le projet... Ce qui signifiait donc qu’il était communément admis que les S.D.F. étaient à gauche… Les divisions politiques du scoutisme catholique, il en savait quelque chose puisque, conseiller d'une municipalité socialiste à Orléans, il voyait les débats houleux occasionnés par le choix annuel de la Jeanne d’Arc, la jeune cavalière honorée des fêtes johanniques, suivant qu’elle provenait des Scouts de France ou des Scouts d’Europe. L’équitation en armure de Jeanne ne serait donc pas un acte politiquement neutre. Mon challenge personnel était de rester en selle sans être éjecté dans un environnement hostile : Paris I était une fac « de gauche », toute l’historiographie qui en sortait était « de gauche », à tous les étages de la vénérable institution. C’était un sport dangereux pour ses examens que de proposer dans les cours des chargés de TD une lecture alternative au discours ambiant. Un suicide académique. Mon but était de faire admettre légitime par l’université le combat des réfractaires anti-Pionniers pour maintenir le scoutisme « classique ». Leur combat n’était pas les derniers feux de réactionnaires incorrigibles condamnés par « le sens de l’histoire ». Vouloir faire valider cela avec un label dûment estampillé Sorbonne-Paris I, c’était risqué mais grisant. L’autre option était trop simple : traverser la cour, s’inscrire à Sorbonne-Paris IV, là où sévissaient les affreux droitiers Tulard, Chaunu, Dreyfus et consorts, et dérouler sans contradicteur un discours attendu « de droite ». Aucun intérêt.
En septembre 1993, je commençais une carrière de professeur d’Histoire-Géographie en collège à l’Externat Saint Honoré d’Eylau, la paroisse des Entraineurs du Chanoine Cornette en 1916, clin d’œil de l’histoire ! Deux années de travail m’attendaient : une année de recherche fastidieuse des témoins, plus d’une centaine contactés, aujourd’hui presque tous morts, livrant pour la première fois leur récit 20-30-40-50 ans après les faits ; une année d’écriture pour tenter d’en faire un récit cohérent. Des rencontres extraordinaires, dont je veux évoquer ici trois des plus stimulantes. Souvenirs impérissables que la dizaine d’entretiens avec Henry Dhavernas, confortablement installé dans un immense bureau d’un non moins immense appartement donnant sur le Parc Monceau, subjugué par l’intelligence vive et l’étendue du « réseau social » de mon témoin. Me voilà donc, entre frères scouts, embarqué dès le premier entretien à tutoyer naturellement l’ancien inspecteur des Finances de plus de 50 ans mon aîné… Épuisé par les 3h00 d’entretien avec un Michel Menu volubile qui m’avait donné rendez-vous chez lui à… 7h00 du matin, frais comme un gardon. Impressionné par la lucidité de Marie-Claire Gousseau et sa capacité à replacer son action en 1964-68 dans le contexte de l’époque. Elle aussi m’avait donné rendez-vous à 7h00 le matin, mais c’était sur son lieu de travail où cette mère de famille très nombreuse se rendait encore à 70 ans. Je me sentais petit devant de telles personnalités.
Je travaillais donc sur l’éclatement du scoutisme catholique, je souffrais de l’éclatement... des archives. Un puzzle à reconstituer sans savoir le nombre de pièces. Alors que la Bibliothèque dominicaine du Saulchoir grâce au Frère André Duval (o.p.), le secrétariat à l’Apostolat des laïcs, 106 rue du Bac, les archives du diocèse de Paris (AHDP) grâce à monsieur l'abbé Philippe Ploix m’ouvraient libéralement leurs portes, que le père Hervé Tabourin de l’Institut de la Sainte-Croix faisait de même à Riaumont (Liévin) et me donnait les premières pièces du puzzle, je butais sur la porte jalousement gardée des archives Scouts de France, malgré l’assurance d’une aide promise par un Da Costa, Commissaire général plus politique que fidèle en parole. L’archiviste, dont nous tairons le nom par charité, se comportait carrément en vrai chien de garde. Les S.U.F. n’avaient pas d’archives ; les Scouts d’Europe, pas l’envie de coopérer. J’étais mal barré.
Le salut est venu d’une rencontre inattendue, celle de Jean-Jacques Gauthé en décembre 1993 à la soutenance de thèse de Christian Guérin sur l’idéologie sous-jacente aux modèles pédagogiques mis en œuvre chez les SDF, thèse controversée publiée en 1997 chez Fayard sous le titre L’utopie Scout de France. Jean-Jacques, magistrat issu et encarté aux Scouts de France, passionné de l’histoire de tous les mouvements scouts, se posait la question des origines des Scouts d’Europe depuis 1977, dix années avant moi donc. Et dans le même contexte : l’incapacité de son mouvement à fournir une réponse satisfaisante. Il avait réussi à rassembler une documentation extraordinaire qu’il me confiait sans filtre dans son bureau véritable caverne d’Ali Baba d’archives scoutes, principalement à partir de sources externes et d’une incroyable correspondance, sans avoir jamais rencontré un témoin Scout d’Europe ou SDF unitaire réfractaire aux réformes pédagogiques. Mes trouvailles et les siennes se complétaient parfaitement. Malgré nos divergences d’interprétation parfois, le dialogue commencé en 1993 est depuis toujours resté fécond et l'amitié fidèle.
Soutenu fin octobre 1995 sous le titre L’éclatement du scoutisme catholique, 1964-1971, le mémoire de maîtrise recevait son précieux imprimatur d’Antoine Prost au terme d’une confrontation pied à pied qui dura 1h30 devant une Claire Andrieux, professeur d'histoire contemporaine à Sciences-Po Paris et co-directrice du mémoire, interdite et muette de stupéfaction, alors que mes camarades de promotion « soutenaient » leurs mémoires à la chaine en 20 minutes… C’est que nous n’étions pas d’accord, le professeur et l’élève, où placer le curseur, par rapport aux évolutions de la société des années 60, entre conservatisme légitime et progressisme inévitable. La nature contre la culture, la forêt contre la ville, le « lieu de la démocratie » selon le professeur, le débat était séculaire. J’obtenais finalement le précieux sésame de la validation du mémoire : mes « scouts de droite » avaient été compris, sans être taxés de « réacs ». Une possible thèse sur les Scouts d’Europe était envisageable : j’avais gagné mon challenge.
Mais j’étais déjà ailleurs, sous le soleil méditerranéen à Montpellier, en histoire religieuse contemporaine avec le professeur Gérard Cholvy (1932-2017), qui s’était intéressé le premier dans le cadre universitaire au rôle des mouvements et organisations de jeunesse dans l’histoire de l’Église et des autres confessions. Il animait chaque été avec le professeur Yves-Marie Hilaire de l’université de Lille des sessions à thème, des Carrefours d’Histoire religieuse où se retrouvaient nombre de jeunes thésards en histoire religieuse trouvant là stimulation, émulation, confrontation. C’est là qu’était le cadre ad hoc d’un D.E.A. et d’une thèse à entreprendre sur le mouvement des Guides et Scouts d’Europe. Le D.E.A., soutenu en juillet 1996, proposait un schéma global ambitieux et totalisant : Les Guides et Scouts d’Europe. Racines et histoire d’un mouvement scout à travers son modèle éducatif, familial et culturel. Je terminais ce D.E.A. par cette remarque, anticipant de 10 ans l’événement : « Un jour, un évêque sera issu des Scouts d’Europe. Entre l’Église et le mouvement, lequel des deux aura fait le plus de chemin vers l’autre ? ». Le programme était prometteur, l'ambition trop grande. Cette même année, fin 1996, j'éditais ma maîtrise d'histoire à compte-d'auteur sous le titre Nova et vetera. L'éclatement du scoutisme catholique en France, 1964-1971, en annonçant un tirage de 500 exemplaires, histoire de créer quelques inquiétudes chez les gardiens de la mémoire S.D.F. J'en ai en réalité fait imprimer 240 par souscription et je me suis arrêté. Cela me prenait un temps fou de faire le travail de « communication » et de diffusion. C'était avant internet, au siècle dernier.
Les années suivantes, je tentais de créer du lien et un réseau de soutien entre étudiants travaillant sur les mouvements de jeunesse. Rien que pour le scoutisme, près d'une dizaine de mémoires de maîtrise étaient soutenus à l’université chaque année à la fin des années 90, plus de 140 sur une trentaine d’années. Mais trop peu publiés. Diffusion d’un bulletin informel de liaison entre chercheurs, étude sur une école régionale de cadres de jeunesse sous Vichy en Bretagne, implication à Montpellier pour un colloque en 2000 sur les dimensions internationales du scoutisme, recherche sur l’impact de la Guerre d’Algérie sur les SDF, participation avec d’autres camarades chercheurs - Jean-Jacques Gauthé, Arnaud Baubérot, Nicolas Palluau, Nathalie Duval, Christophe Carichon - à la création d’un réseau de recherches sur le scoutisme nommé 1907… Je me dispersais beaucoup parallèlement aux recherches toujours compliquées sur les Scouts d’Europe. Et plus encore, je menais aussi des entretiens chronophages mais passionnants avec les derniers témoins survivants du Secrétariat général à la jeunesse en zone occupée (1940-44), issus des SDF, de la JOC, JEC…, l’équipe du chef scout et pasteur protestant Jean Joussellin, le responsable de la formation des cadres, dont j’ai voulu remettre à l’honneur la mémoire par plusieurs articles en 2003-2009. Les matériaux réunis sur cette Génération de 1940 permettraient d’écrire un livre. Avec Henry Dhavernas, témoin du 6 février 1934, fondateur des Compagnons de France en 1940, réfractaire aux réformes SDF de 1964, je mettais en route une biographie, Une jeunesse française catholique, une sorte de contrepoint du Pierre Péan sur François Mitterrand (1994). Je prenais du retard et perdais de vue l’objet principal de mon étude. Je reculais le moment de m'y mettre. La peur de la page blanche ? C’est à Pâques 1999 que je commençais enfin l’écriture du premier chapitre, un chapitre biographique sur Pierre Géraud avant le Perig Keraod des Bleimor. Ce qui posait ainsi cet homme comme acteur premier de l’histoire à dérouler.
Et c’est là que le bât blesse. Une histoire des Scouts d’Europe ne peut se réduire à l’itinéraire et aux projets d’un seul homme, puisque les racines sont multiples et a priori étanches les unes aux autres concernant ce mouvement scout. J’étais donc en train d’écrire sans m’en rendre compte une histoire des projets culturels, religieux, scouts d’un militant breton rencontrant un jour les Scouts d’Europe, une biographie intellectuelle donc, non une histoire d’un mouvement scout dilatant sa proposition à l'échelle de l'Europe. Mon angle d’attaque avait dévié sans que je m’en rende compte. Le nez sur le guidon et encore trop faiblement documenté sur la FSE originelle d’outre-Rhin, j’avais perdu la vision globale de mon sujet pour me centrer sur le seul Keraod.
Je plaide coupable.
En juin 2004, venant de finir le chapitre 5 qui me menait jusqu'au Mai 1968 agité des Scouts d'Europe, la crise Saint Georges, j’étais obligé de mettre en cartons archives, documents, entretiens, ordinateur. La rénovation d’une longère bretonne morbihannaise pour ma famille m’attendait de pied ferme après plus de 10 années d’exil parisien. Fini de s’amuser à « chercher », troquant sans transition la plume pour la truelle, il me fallait construire, en dur, en vrai. J'avais tiré un trait. Mis en cause par surprise en octobre 2008 pour mes écrits de Nova et vetera dans un ouvrage de commande prétendant dire la véritable histoire des Scouts d’Europe, c’est contraint et forcé que je refaisais surface. C’était au moment des remous confus d’une crise de plus au sein des Scouts d’Europe où chaque camp prétendait dire à l’autre ce qu’étaient les Scouts d’Europe et d’où ils venaient, à coup de livre si besoin. Puisque conflit sanglant de mémoire il y avait, je décidais de mettre en ligne sans prévenir le 27 avril 2009 les 5 chapitres écrits en l’état de cette Thèse inachevée, sans introduction, sans conclusion, avec l’aide de Jean-Jacques Gauthé que je sollicitais pour diffuser l’annonce. Tout est dans le timing : c'était quelques jours avant une AG qui s'annonçait encore une fois houleuse au sein des Scouts d’Europe. Histoire de nourrir le débat. Yves Combeau de son côté, ravi, trouvait dans les 5 chapitres de 1999-2004 quelques cartouches neuves pour son ouvrage Nouvelle histoire du scoutisme catholique en France qu’il préparait depuis plusieurs années, publié en mars 2010, et dont la diffusion est restée confidentielle du fait de la faiblesse de l’éditeur choisi.
La mise en ligne impromptue des 5 chapitres me permit paradoxalement de renouer avec Maurice Ollier, témoin historique et promoteur infatigable d'une Mémoire des Scouts d’Europe, celle du canal historique depuis leur rameau germanique, avec qui la ligne était coupée depuis des années. Grâce à l’entremise de François de Portzamparc, nous sommes allés régler nos comptes entre hommes pendant 3 jours début juillet 2009 dans son grandiose château breton des Côtes-d’Armor, Porz am Park. Un grand moment. Gast ! Malloz Doué ! C’est là que je réalisais mon erreur de fond, source du malentendu : j’avais écrit une bio du militant breton Pierre Géraud-Perig Keraod rencontrant un jour les Scouts d’Europe, non une histoire de l’association française des Scouts d’Europe. J’étais tombé dans le piège, je mettais moi aussi en avant une mémoire contre une autre, et ce faisant j'écrasais un pan entier des racines. Il fallait donc tout reprendre à zéro ou publier une biographie des rêves de PGK pour la Bretagne et l'Europe, ce qui nécessite dans les deux cas du temps long que je ne trouve jamais, pour le moment.
Le professeur Yvon Tranvouez, du Centre de Recherche Bretonne et Celtique de Brest, un observateur avisé (https://books.openedition.org/pur/7263?lang=fr), m'a invité à exposer « le cas Keraod » en juin 2012 dans un colloque faisant le constat de La décomposition des chrétientés occidentales, 1950-2010. Dans cet article, « Bretagne, Europe, chrétienté : une utopie contradictoire ? Les scouts Bleimor, 1946-1970 », j’ai cherché à montrer que Perig Keraod, en passant des Scouts Bleimor aux Scouts d’Europe, ne s’était pas renié en sacrifiant le scoutisme breton sur l’autel de « la chrétienté » mais avait simplement changé d’étage dans une ambition plus vaste.
Un autre article, à l’invitation de l’abbé Jean-François Galinier-Palerolla pour un colloque de l’Institut catholique de Toulouse, section Histoire et Théologie, en janvier 2014, Les laïcs prennent la parole. Débats et controverses dans le catholicisme après Vatican II, (publié aux éditions Paroles et Silence, 2014, pp. 399-425.) m’a donné l’occasion de montrer la difficulté à avoir 20 ans et être chef Scout d’Europe dans l’Église « de » France en 1970-1990 : « Exister sans mandat ? Un mouvement de laïcs en quête de liberté, les Guides et Scouts d'Europe ». Pas vraiment la vie de château. Et comme rien n’est neutre et que j’aime mettre les pieds dans le plat, les connaisseurs feront le lien, dans un propos inversé, du titre du livre phare du professeur Étienne Fouilloux qui présidait la séance ce jour-là lors de ma présentation au public…
Et voilà que l’affaire Matzneff explose en décembre 2019 avec la publication du livre-témoignage de Vanessa Springora, Le Consentement. Après tant d’années d’agissements pédophiles sans être inquiété, le prédateur « emprisonné dans un livre » par son ancienne victime est enfin mis en accusation par voie médiatique avant un éventuel procès judiciaire. Gabriel Matzneff est un acteur indirect en 1959-1963 que l’on ne peut ignorer de l’histoire des Scouts d’Europe du temps de Jean-Claude Alain, comme il le raconte dans plusieurs passages insupportables de son journal de bord : Cette camisole de flamme. Journal 1953-1962, publié en 1976 aux Éditions de La Table ronde (réédité en poche par Gallimard en 1989) ; L'archange aux pieds fourchus. Journal 1963-1964, La Table ronde, 1982. L’affaire Matzneff renvoie ainsi à l’affaire J.C.A., la mise à l’écart du fondateur encombrant en décembre 1962. C’est dans ce contexte que Michela Zuliani, étudiante en Master 2, a travaillé en tentant de faire la lumière sur les conditions qui conduisent à la naissance de l’association des Scouts d’Europe en France en 1958. Elle a soutenu un passionnant mémoire en sociologie/histoire religieuse le 8 janvier 2021 sur Les Scouts d’Europe d’avant « le redressement », 1956-62, qui mérite d’être diffusé car elle apporte beaucoup d'éléments sur la question religieuse des premiers Scouts d'Europe.
Yves Combeau publie aujourd’hui son Toujours prêt. Histoire du scoutisme catholique en France, 24 février 2021 aux vénérables et reconnues Éditions du Cerf, reprise actualisée de son ouvrage de 2010. Sur la question de l’affirmation des Scouts d’Europe, contre la mémoire « militante » de ce mouvement, il reprend ma thèse principale, à savoir que leur expansion hors de leur sphère d’origine est un contre-coup inattendu de la mise en œuvre de la Réforme Pionnier-Rangers et de la rencontre d’un autre monde, celui de « la rue des Renaudes »…
Le débat continue.
3 mars 2021